EXPOSITION "BADAAAASSS"
Anna Byskov, Baptiste Le Chapelain, Jeanne Moynot, Thomas Teurlai
Dans le cadre du Week-End de l'Art Contemporain 2017
Du Jeudi 28 septembre au 1er octobre 2017
En Face - Bordeaux
"Il y aurait assurément cent autres façons de justifier la présence des quatre artistes réunis dans l’exposition BADAAAASSS, mais aucune ne dit mieux que ce titre ce qui a guidé mon choix de les présenter ensemble. Car il ne s’agit pas d’un quatuor de mauvais goût (encore que !) - ce que pourrait laisser penser une traduction fautive de l’expression américaine badass (selon laquelle le « cul » malsain dominerait : porno, sado, scato) -, mais de quatre personnalités fortes ayant l’impertinence chevillée au corps de résister aux conformismes ambiants, ceux de l’art compris. Car le mot badass, qualifie en réalité des personnes qui ne s’en laissent pas compter, non impressionnables, suivant leur tempérament rebelle aux injonctions normatives, pas forcément ramenardes mais imposant leur style, leur façon d’être et de vivre, leur expression.
Cette chevalerie insolente, libertaire, appelle plus la légende que la reconnaissance. Mais nous n’en sommes pas là : nos quatre protagonistes sont jeunes (entre 25 et 35 ans), très actifs, et, « badasses » dans l’âme, s’inscrivent dans le présent. Plusieurs d’entre eux cependant, quoique sourds aux sornettes du « marché », bénéficient déjà d’une « visibilité » notable sur ce que l’on appelle la « scène artistique », ce dont je me réjouis particulièrement. Car leur point commun, par ailleurs, est d’avoir été tous les quatre étudiantes et étudiants, à cheval sur des périodes différentes, à l’école des beaux-arts de Nice, la Villa Arson, là où je fus professeur durant dix ans. Ils correspondent pour moi à des rencontres marquantes. S’ils ne dessinent pas ensemble une même vision de l’art, leur dissemblance constitue a contrario la mienne, faite de singularités libres, affirmées, nécessaires dans une société où les normes identitaires l’emportent. Au Jackass soft, faussement décervelé, d’Anna Byskov fait de foirades absurdes à la tonalité burlesque, s’oppose la sensation intense d’une beauté dangereuse, terroriste (je veux dire qui fait peur) de Thomas Teurlai, dont les réalisations techniquement exigeantes ne sont paradoxalement pas si éloignées formellement de celles bricoleuses de Baptiste Lechapelain « aimantées », comme le dit joliment Bernard Marcadé, par « les négligences de toutes sortes », cependant que Jeanne Moynot carnavalise grinçante le réel le plus trivial dans une ambiance de fête foraine punkisée. Nouvel art dégénéré ? Nulle part mieux que la galerie La Mauvaise Réputation, ne pouvait en accueillir l’énergie hérétique.
D’un mot, pour revenir à notre titre qui, on l’aura noté, n’est pas Badass, mais BADAAAASSS, il doit aussi se lire dans la perspective de la conférence-performance que je donnerai avec Gauthier Tassart en liaison avec l’exposition : LCDB (Le Culte Des Bannis) III. La multiplication des A et des S sonorisant en quelque sorte la formule, est en effet un clin d’œil au film « culte » Sweet Sweetback's Baadasssss Song de Melvin Van Peebles (et forcément, aussi au film-hommage de son fils Mario Baadasssss!). Écrivain, compagnon de route de Hara-Kiri, premier cinéaste de la Blacksploitation, acteur, musicien, Melvin Van Peebles, court-circuiteur de genres aux mille vies menées tambour battant, plus artistes que beaucoup de ceux que se prétendent tels, tient une place évidemment de choix dans mon cercle des « bannis ».
Anna Byskov :
Née en 1984 vit et travaille à Nice, mettant son corps (et parfois son esprit) en jeu dans des actions décalées dans lesquelles le non-sens l'emporte sur la raison (comme plonger jusqu'à n'en plus pouvoir dans une piscine après avoir enfilé un maillot de bain trop grand, ou comme se taper la tête contre les arbres jusqu'à perdre le nord…), Anna Byskov ne rechigne pas à la tâche. Engagée physiquement dans son œuvre, pour la cause de l'autodérision, du burlesque et pour l'envie de tenter l'impossible, ses vidéos comme ses actions montrent une artiste déterminée dans son projet.
Anna Byskov se met également en scène en incarnant des personnages extravagants et stéréotypés. Ceux-ci empêtrés dans des conversations saugrenues déploient des dialogues paradoxalement absurdes et plausibles qui tendent souvent à relativiser la notion de folie ou d'idiotie.
Son travail de sculpture s'appuie lui aussi sur cette nécessité de contrer la valeur et la pérennité des choses et c'est donc avec le déséquilibre et le carton qu'elle construit. Comme pour être sûr que rien ne résistera au temps. Qu'une fois montrées, ses formes fragiles tomberont comme elle-même tombe quand elle tente de gravir ses escaliers de papier (L'escalier).
Jeanne Moynot :
«Performeuse sympathisant avec la peinture, Jeanne Moynot prend le parti de la circulation des formes et des idées. Ces opérations mises en place, temps et espace s’annulent : le passé est convoqué, potentiellement le futur, au profit d’un « hyper présent ». Le vocabulaire plastique de l’artiste emprunte volontiers à la fête, et particulièrement à ce moment transitoire, entre jubilation et tourment, qui pointe au crépuscule. La figure du monstre, ou du freaks, est convoquée, de son origine à son incarnation la plus spéculative ; tous les niveaux de lecture sont autorisés, la surenchère est dans le contenu. C’est justement ce vernis sensible, et non moins concret, qui permet à la forme artistique de prendre le dessus. Les figures archétypales sont mises à mal, bien au-delà de la parodie ou du burlesque. Jeanne Moynot revendique une esthétique DIY héritée du mouvement punk. Elle témoigne d’un désenchantement né des contradictions d’une société perçue sans complaisance. Son œuvre protestataire revêt un caractère spontané et non-violent. L’artiste, affranchie des définitions académiques de l’art, génère des mixtures qui exsudent l’impur, l’instable, l’exception.»
Tripode extrait du texte accompagnant une exposition personnelle à la Galerie de l’Espace Diderot, mars 2015.
Thomas Teurlai :
Les Passions et les fêtes d’une époque violente ou quelques réflexions sur les préoccupations de Thomas Teurlai par Arnaud Maguet
« Les artistes seront les Teddy-Boys de la vieille culture. Ce que vous n’avez pas détruit, nous le détruirons pour tout oublier. » Giuseppe Pinot-Gallizio in Discours sur la peinture industrielle et sur un art unitaire applicable, Internationale Situationnistes n°3, 1959
« Ce jardin vous plaît-il ? Il est le vôtre ! Empêchez vos enfants de le détruire. »
Malcom Lowry, Au-dessous du volcan, 1947
Thomas Teurlai a achevé en 2011 ses études à la Villa Arson avec les honneurs du protocole scolaire et le respect de ses professeurs. Depuis, et avec la radicalité qui le caractérise, il n’a eu de cesse de poursuivre, en Europe comme aux États- Unis, son parcours en un incessant va-et-vient entre la friche insalubre et le white cube institutionnel - du Palais de Tokyo à une usine de poissons désaffectée au fin fond de l’Islande, par exemple. Souvent, des fluides, des courants, des masses, des ré- actions mécaniques et chimiques y rentrent en conflit dans les décors restreints ou immenses de ruines contemporaines, reliques des nouveaux espaces sans qualité. Il serait difficile de nier que les ruines occupent une place de plus en plus grande dans l’imaginaire de notre temps. Il serait tout aussi difficile de nier que Thomas Teurlai fait bien partie de ce temps-ci. La beauté et la poésie des marges sont à l’œuvre dans sa pratique, l’altérité de matériaux zombies, dont il force les secondes vies aussi. Comme on découvre à l’école les propriétés musculaires d’un cadavre de batracien en le parcourant d’un faible courant électrique, Thomas Teurlai pointe les arcanes désenchantées de notre société à la dérive en réinjectant dans ses rebuts l’énergie qui l’a depuis bien longtemps quittée. Le voltage n’étant pas toujours exactement approprié, le processus soubresaute souvent du ridicule à l’inquiétant en une obscure danse de Saint-Guy. Feu, ombre, poison et autres dangers ancestraux sont toujours là, guettant notre confort moderne, tapis dans cette interzone que souvent l’on préfère garder hors de vue, envers du décor d’un paysage-recyclage où les ruines deviennent pratiquement instantanées grâce au miracle de l’obsolescence programmée. Et à tous ceux qui se plaindraient encore de la trop forte occurrence de ces ruines post-industrielles dans les pratiques contemporaines, à tous ceux qui regretteraient encore les qualités romantiques prétendument supérieures de vestiges passés plus lointains, plus glorieux, je conseillerais une fréquentation plus assidue des échoppes de fournitures pour aquariums, les moulages en résine de temple y sont saisissantes.
Baptiste Lechapelain Trivier :
Il est peintre, mais le collectif est au cœur de sa pratique, la musique improvisée une « référence méthodologique ». Il fait son miel des erreurs, des bugs, des dysfonctionnements, des rebuts… La peinture conçue comme action et rituel, aimantée par les négligences de toutes sortes.
EN FACE est une association culturelle qui promeut la création artistique, et plus spécifiquement l’art contemporain, à Bordeaux, en France et à l’étranger.
LA MAUVAISE RÉPUTATION a choisi d’héberger et de missionner l’association EN FACE sur les objectifs de développement complémentaires et collectifs."
Informations complémentaires:
EN FACE
10 Rue des Argentiers
33 00 Bordeaux
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